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Société : Voici comment la mendicité gagne du terrain dans les rues camerounaises

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Yaoundé
Une rue de Yaoundé, la capitale camerounaise

Le journaliste et sociologue camerounais *Serges Aimé Bikoi analyse, décrit et explique ce phénomène qui prend de l’ampleur au Cameroun et qui est puni par le nouveau code pénal du pays. Lire.

Depuis plusieurs années, de nouvelles formes de la mendicité se sont développées dans les rues des villes camerounaises. Fruit de l’ingéniosité des catégories sociales, ces aspérités de la mendicité s’illustrent à travers des expressions « il n’ y a rien pour moi là? » « il n’ y a rien pour les pauvres? » ou encore gars il n’ y a pas une bière là pour moi? ». Ces déclinaisons de la mendicité naissent dans un contexte de récession économique, dont les répercussions ont enlisé les populations locales dans la précarité financière et matérielle. L’évocation récurrente de certaines expressions prosaïques gagne du terrain dans le champ des relations inter-individuelles. Sans que d’aucuns n’y prennent garde, ces expressions grossières traduisent une nouvelle coloration de la mendicité sociale, dont l’enjeu fondamental est de requérir la brèche de la solidarité et de la générosité des tiers.

Lorsque Alter demande à Ego: « il n’ y a rien pour moi là? » ou encore « il n’ y a rien pour les pauvres? », cette sollicitation individuelle sous-entend, à première vue, un besoin, mieux un désir d’être soutenu pécuniairement ou matériellement. Seulement, la régularité de ces demandes d’aide rituelles prête le flanc à la construction, sans coup férir, d’un environnement structuré autour de la mendicité sociale. Devenu quasiment banal, ce nouveau phénomène social ambiant est l’apanage des microcosmes sociaux. Dans des familles, écoles, entreprises, administrations, universités, marchés, médias et autres lieux publics, cette imagerie collective de la mendicité s’enrichit aussi des expressions chères à l’éthylisme. « Tu me donnes une où? », « on prend une bière où? », « il n’y a pas une bière pour moi là? » sont des terminologies désormais familières ancrées dans la conscience collective. Toute chose inclinant plus d’un à chercher, à, temps et à contre-temps, à humer les effluves de Bacchus.

La curiosité née de ces expressions rustres est liée au fait que les personnes magnanimes à qui des prétendus pauvres demandent une bouteille de bière sont plus enclines à vous offrir un casier de bières dans un creuset de réjouissance qu’à vous donner quelques espèces sonnantes dont vous avez, très souvent, besoin. Et dans ce jeu populaire de la mendicité sociale, d’autres termes quotidiens tirent leurs racines de l’ancrage dans la pauvreté économique, dont les catégories sociales vulnérables payent les frais. « Gars tu ne m’as rien gardé? » « Où est ma part sur ça? » en sont deux exemples patents. Lorsque l’état de paupérisation s’accroît davantage au fil des années, des expressions rustres d’un tel acabit sont diffusées dans l’agora. Ainsi entendez-vous, par exemple,  » Mon frère c’est fort sur moi je tape seulement les mains », « C’est vous les grands non donne-moi seulement les miettes! ». Sur ces entrefaites, les nouvelles formes de la mendicité sociale nées de la précarité chancelante entrainent, dans la même veine, la dénaturation de la langue française.

*Serges Aimé Bikoi,

journaliste, Sociologue


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